La seule vérité immuable sur l’écriture d’une première version.

J’ai menti. Quand j’ai écrit dans le conseil n°4 : « Il n’y a pas de règles d’écriture du scénario« .

… En fait, il y en a une.

Il s’agit d’un conseil concernant les premières versions de traitements ou de dialogués. Elles sont d’une telle importance que j’enfreins, à ce sujet, ma propre règle concernant le fait qu’il n’y a aucune règle d’écriture du scénario, en autorisant cette unique règle que voici : 

Aller au bout de son projet ! 

Il faut bien commencer quelque part. Et l’intêrét primordial d’avoir terminé une première version, c’est que que cela vous permet d’avoir quelque chose à partir de quoi travailler. 

Votre scénario n’est plus de la brume, une illusion, une rêverie qui flotte dans votre esprit. Au contraire, la première version est un objet concret, tangible, qu’on peut imprimer pour le sentir en main, le toucher… Mais… Seulement si vous ALLEZ AU BOUT. 

De plus, si l’adage “écrire, c’est réécrire” est vrai – et c’est le cas – alors il est impératif d’aller rapidement à cette phase de réécriture.

Et la logique veut qu’on ne peut pas atteindre cette phase de réécriture sans avoir terminé un premier jet.

Bien sûr, techniquement, vous pouvez réécrire en cours de route dès l’écriture de la première version. Ou revenir en arrière et réécrire ce que vous avez écrit à partir de la page 1…. Mais cette manière de faire est périlleuse. Parce qu’une sorte d’inertie peut s’installer, et un modèle de ce genre peut émerger….

Retour à la page 1. Fignoler le début. Réécrire. Retour à la page 1.

Fignoler un peu plus. Retour à la page 1……

Ce n’est pas de la réécriture. C’est du perfectionnisme. Il y a une place pour ça… Mais dans votre version finale, pas dans la phase de la première version.

N’aspirez pas à la perfection…. Parce que votre première version sera imparfaite quoi qu’il arrive.

En fait, si vous respectez l’esprit d’une première version – aller au bout ! –  ça devrait vous libérer pour la terminer.

Vous avez effectué le dur labeur de rassembler le plus possible d’élèments de votre scénario pendant le travail préparatoire.

Maintenant, il s’agit de poser des mots, scène par scène, page par page, de faire des CUT SUR : pour arriver au POINT FINAL.

Rien. D’autre. N’importe.

La première version est une exploration pendant laquelle, quelle que soit votre opinion sur la chose, vous allez découvrir des vérités essentielles sur votre scénario… Ce qui fonctionne… Ce qui ne fonctionne pas…

Continuez d’avancer même si ce que vous écrivez semble être très mauvais.

Enfin, dernier point : finir un premier jet est l’accomplissement d’un énorme travail psychologique. Parce qu’il faut bien l’avouer, la plus grande joie de l’écriture, c’est d’avoir écrit. Lorsque vous écrivez POINT FINAL pour la première fois dans votre processus de création du scénario, vous aurez écrit quelque chose. 

Dans ce processus, vous aurez repoussé les voix lancinantes du pessimisme à l’intérieur de votre tête. 

« A quoi tu penses ? N’écris pas cette histoire, c’est ridicule ! Qui tu espères tromper de toute façon ? N’écris pas aujourd’hui, il fait beau dehors, vas t’amuser ! Tu n’iras jamais nulle part avec cette histoire ! »

Quand vous écrivez P-O-I-N-T-F-I-N-A-L, chaque lettre est comme un coup de massue porté à ces vilaines voix dans votre tête. Prenez ça, bande d’ordures !!!!!!!

Donc quand il s’agit de cette première version que vous êtes en train d’écrire, n’oubliez pas que la seule règle que je crois devoir exister, c’est :

Allez au bout de votre projet ! Allez au bout de votre projet !

ALLEZ AU BOUT DE VOTRE PROJET !!!!!!!!

© Scott Myers – Article traduit par un.e scénariste membre de La Guilde française des scénaristes.